Par Julie Barlow
Montréal sera la ville hôtesse du congrès annuel de l’Association américaine des professeurs de français du 6 au 9 juillet 2011. Un membre de l’association nous écrivait récemment pour nous demander si le français parlé au Québec est un dialecte, comme un collègue l’affirmait.
La réponse est tout simplement non.
Ce qu’on appelle trop souvent le «québécois» ou le «dialecte québécois» se réfère l’argot local appelé joual. Cet argot n’est qu’un registre parmi tant d’autres de la langue locale. Il est donc extrêmement dérogatoire – et mal avisé – de réduire le français du Québec à son argot, de la même manière que l’anglais américains ne peut être réduit au slang, et que le français de France ne peut être réduit à son argot.
Dans l’esprit de la plupart d’entre nous, le mot « dialecte » évoque une langue si différente de la langue standard qu’il faudrait y mettre beaucuoup de temps et d’énergie pour l’apprivoiser.
Examinons la sémantique du mot « dialecte ». « Dialecte » peut indiquer la forme d’une langue dont la prononciation, la grammaire et le vocabulaire diffèrent des autres formes de la même langue. Ou bien il peut indiquer une forme régionale, sociale ou « occupationnelle » d’une langue qui serait différente de la langue standard ou littéraire. Ou il peut indiquer un membre à l’intérieur d’une même famille de langues.
Et voilà qui explique le tracas de notre ami d’AATF.
En vérité, la majorité des Québécois, sans doute, riraient de ceux qui disent que leur français québécois est un « dialecte ».Et voici pourquoi…
Dans le parlé quotidien, les Québécois utilisent des expressions différentes de celles des Français, des Belges ou des francophones africains. C’est normal. Chaque région a des expressions particulières qui sont nées de son histoire, de sa géographie et de conditions sociologiques particulières.
En plus, toutes les langues ont leurs argots, un usage informel de vocabulaire et d’expressions. Le mot « man » en anglais se traduit en « bloke » ou « chap » en argot britannique ou australien, mais en « guy » ou « dude » en argot américain. L’anglais a des centaines d’autres formes distinctes d’argots. Et c’est pareil avec le français avec les argots marseillaise et parisiens, parmi d’autres. Même le Québec a plus d’une sorte d’argot appelé joual.
Mais ça ne fait pas du français du Québec un dialecte.
Il y a une différence entre la langue informelle utilisée au quotidien et la langue formelle ou officielle utilisée dans la culture, les médias, la politique et spécialement en enseignement. La langue française écrite et formelle utilisée au Québec est un français, en général, standard. Le vocabulaire diffère quelque peu, mais les règles grammaticales sont identiques à peu de choses près.
Au Québec, le français oral des lecteurs de nouvelles, des conférenciers, et des politiciens (la plupart du temps) est d’un niveau élevé. N’importe qui dans le monde francophone serait capable de le comprendre.
À cause de l’accent, un locuteur français peu familier trouvera le parler d’un québécois forcément curieux, en particulier dans le registre populaire. De même qu’un Américain qui aurait seulement entendu du français parisien.
Mais le français du Québec n’est pas plus « dialectal » que l’anglais utilisé sur la chaine de radio NPR quant à l’anglais utilisé par les annonceurs de télé sur BBC.
Durant nos voyages, nous avons souvent rencontré des gens qui pensent que le français du Québec est un dialecte. D’où vient cette idée? Les francophones nord-américains sont victimes d’un superpurisme qui infecte presque tout ce qui apprivoise la langue française. Il y a une idée très répandue que seulement le français de la France est le « bon » français.
C’est complètement dingue. Pourrait-on imaginer quelqu’un qui a visité Detroit déclaré que la langue parlée là-bas est le « dialecte américain? » Pour en revenir à la question de notre ami soulevée au début, le français québécois n’est pas plus un dialecte que l’anglais du Detroit est un dialecte américain.