Une chronique de Jean-Benoît Nadeau dans Le Devoir.
Avec la grâce du pachyderme dans le magasin de porcelaine, le milliardaire Donald Trump a relancé le débat sur la langue officielle des États-Unis. Sa dernière réplique visait Jeb Bush, frère de l’autre, ex-gouverneur de Floride et candidat à l’investiture républicaine. Réagissant à une conférence que Jeb Bush donnait en espagnol à un groupe d’hispanophones, Donald Trump l’a sommé de « donner l’exemple et de parler anglais quand il est aux États-Unis ».
La question des langues aux États-Unis est pleine d’ironie et de nuances qui échappent à Donald Trump. Le gouvernement américain n’a jamais proclamé de langue officielle, même si une trentaine d’États se sont déclarés « English-only », ce qui ne change rien au fait que les plus gros approchent d’une majorité d’hispanophones. D’ailleurs, il est douteux d’y présenter l’espagnol ou le français comme des langues étrangères, quand on sait que les États-Unis ont pratiqué l’annexion systématique pendant tout le XIXe siècle. Ces langues sont donc aussi américaines que l’anglais, quoique nettement moins que les langues amérindiennes.
Donald Trump gagnerait à lire le rapport Language use in the United States, lequel est paru — rassurons-le — en anglais. Il en ressort qu’environ 61 millions d’Américains parlent une autre langue que l’anglais à la maison — soit 21 %. De ce nombre, 37 millions parlent espagnol à la maison. Le français arrive 4e sur la liste avec 1,3 million de locuteurs domestiques, précédé du mandarin (2,9 millions), du tagalog (1,6 million), et du vietnamien (1,4 million), mais devant le coréen et l’allemand (1,1 million chacun).