Extrait du livre Le français, quelle histoire! (Chapitre 2)

Lawrence Alma-Tadema

En définitive, le celte des Gaulois a très peu contribué au vocabulaire du français moderne. Seulement une centaine de mots ont survécu au fil des siècles. Encore aujourd’hui, moins d’une quarantaine sont usuels. Il s’agit surtout des termes ruraux et agricoles comme bouleau, sapin, lotte, mouton, charrue, sillon, lande et boue. Les traces celtiques sont beaucoup plus nombreuses dans les noms de lieux et de familles du nord de la France. Par exemple, le nom Paris vient des Parisii, une tribu gauloise, et le mot bituriges, qui veut dire « rois du monde », a produit les noms Bourges et Berry (la différence tient à la façon dont on prononçait le nom original, avec un accent latin ou celte). Selon les linguistes, les langues celtes ont également contribué au développement de la sonorité particulière du français et provoqué certaines variations linguistiques. Reste que contrairement à une idée répandue, le français moderne n’est pas du latin prononcé avec un accent gaulois !

Toutefois il serait faux de penser que les Gaulois pratiquaient le même latin que Jules César. Dans la province romaine de la Gaule, seulement 1% de la population, alphabétisée, savait manier le latin de Rome. Le reste de la population parlait un latin « de cuisine ». Cette langue rustique et populaire, appelée latin vulgaire, a vite reçu l’étiquette « gallo-romaine », avant de se décliner très tôt en de nombreuses variantes locales. La conjugaison de l’un des verbes les plus irréguliers de la langue française, le verbe aller, en est un bon exemple. En effet, les locuteurs du gallo-romain ont fusionné très tôt les trois verbes latins signifiant « se déplacer » : ire, vadere et ambulare. Ainsi, 2 000 ans plus tard, nous conjuguons le verbe aller au futur et au conditionnel sous le modèle de ire, alors que le présent et l’impératif oscillent entre vadere (je vais, va !) et ambulare (nous allons). Pas simple, le gallo-romain !

Beaucoup plus tenace que le celte, le gallo-romain allait survivre à l’Empire romain en changeant constamment de forme selon les aléas de la géographie et des invasions germaniques – Wisigoths, Francs, Vikings et Burgondes. De tous les envahisseurs, les Francs eurent l’influence la plus nette sur la transformation du gallo-romain. Résultat : le français est la plus germanique des langues romanes !