Extrait du livre Le français, quelle histoire! (Chapitre 16)

Les racines de l’argot sont aussi profondes que celles du français dominant. Au XVe siècle, le mot Argot – avec une majuscule – désignait une association de brigands, de voleurs et de tueurs qui, ensemble, parlaient un jargon (le terme provient du mot normand garg, gorge). Ce jargon n’était pas tant une langue qu’un système verbal qu’utilisaient les criminels pour n’être compris de personne en dehors du groupe, surtout pas des bourgeois et des aristocrates qu’ils dépouillaient et des autorités qui les poursuivaient. Dès le XVIIe siècle, le mot glissa de sens une première fois lorsque les bourgeois désignèrent ce jargon criminel comme de l’argot.

Qu’est-ce que l’argot, exactement ? Du point de vue sémantique, l’argot est du français. Il emprunte une partie de son vocabulaire aux langues régionales et étrangères. Roupiller vient de la Picardie ; zigouiller, de Poitiers ; pognon, de Lyon et ringard, du wallon oriental. Loustic (farceur) vient de l’allemand, gonzesse (fille) de l’italien, flouze (argent) et souk (lieu désordonné) sont de l’arabe, et berge (année d’âge) du tzigane. Quant aux mots français, l’argot les déforme au moyen de suffixes comme –iergue, –uche, –oche et – igue, qui sont les plus courants. Ainsi, vous, en argot, se dit vousiergue ; moi, mézigue ; et ici, icicaille.