Crédit: Carlos Porto

Extrait du livre Le français, quelle histoire!(Chapitre 14)

La langue avait été au cœur du projet éducatif de la nouvelle république. Le préambule de la première Constitution, rédigée en 1791, garantissait à tous les citoyens, entre autres « dispositions fondamentales », l’éducation publique et gratuite. L’Assemblée nationale avait ensuite créé le Comité d’instruction publique. Son objectif principal était d’enseigner aux enfants à lire et à écrire en français. Grâce à l’éducation, on allait instituer le français. Les enseignants furent donc appelés instituteurs.

Malheureusement, cette institution vivota pendant plus de quarante ans. Pendant la Révolution-et-l’Empire, on avait multiplié les projets de système éducatif. Mais les résultats furent minces, à cause du chaos politique généralisé. Dans nombre de villes françaises, aucun enseignant ne parlait français, et peu de villes avaient les ressources nécessaires pour en former de nouveaux. L’Assemblée nationale conçut un vaste plan destiné à produire et distribuer des manuels scolaires en français, mais au milieu du soulèvement politique et social de la Révolution, ces livres ne furent jamais imprimés. En 1794, devant les résultats médiocres du Comité d’instruction publique, le gouvernement révolutionnaire avait décidé de créer à Paris un centre de formation des maîtres, l’École normale – un terme qui reste en usage. Chacun des départements reçut l’ordre d’envoyer à Paris quatre individus « ayant disposition pour l’enseignement », qui recevraient logement et salaire pendant leur formation. Mais même cela ne suffit pas à faire décoller l’éducation universelle.

En fait, en l’absence de cadres, seule l’Église avait la structure pour permettre ce développement institutionnel, si bien qu’on en vint rapidement à sous-traiter les écoles primaires au clergé, même si celui-ci s’opposait aux valeurs de la République. Dans nombre de régions, la Bretagne en particulier, le clergé entretenait et même encourageait l’usage des langues locales comme forme de résistance à la République. Après 1816, on donnera formellement au clergé une place dans l’administration du primaire.