Questions de nos lecteurs

 

Manifestation pour la préservation de la loi 101

Source : www.pieuvre.ca

Michel écrit : 

Je crois aussi qu’au Québec, le français n’est pas menacé de l’intérieur par la communauté anglo-québécoise mais de l’extérieur par l’idée de l’anglais comme langue mondiale. (Au niveau local, le défi est beaucoup plus la francisation et l’intégration des immigrants.)

Lorsque vous faites allusion à repenser la loi 101, à quels changements pensez-vous?

Jean-Benoît répond : 

Nos politiques d’aménagement linguistique devraient mieux refléter le fait que le français au Québec doit s’accommoder non pas d’un seul, mais deux problèmes. On n’est plus seulement dans la réalité de la présence de l’anglais (à travers une communauté anglophone qui se renouvelle), mais aussi dans un cadre où l’anglais est considéré comme la langue de commerce international. C’était une situation qui commençait à se tramer il y a 40 ans, mais qui est devenue évidente depuis 20 ans. Comme la loi 101 a beaucoup d’incidence en matière d’éducation, ce constat devrait aussi en avoir sur la façon dont nous ajustons notre enseignement. Par ailleurs, de façon plus nuancée, je pense que c’est une erreur de penser que l’anglais est l’unique langue de commerce international. Le Québec tente actuellement de réduire sa dépendance commerciale vis-à-vis des États-Unis en cherchant à accroitre son commerce en Europe, dans les Amériques et en Asie (en négligeant totalement l’Afrique). C’est donc que les langues seront un enjeu crucial de commerce dans les prochaines 40 ans.

Nos politiques devraient aussi mieux tenir compte du fait que, après 40 ans de loi 101 et de charte de la langue française, les francophones du Québec ne sont plus seulement des Canadiens français, mais des parlants français de toutes origines. Je pense notamment aux études démographiques de Marc Termote et compagnie qui étudient toutes sortes d’angles quant à la langue parlée à la maison, mais qui négligent de demander simplement aux gens quelles langues ils savent parler et écrire. J’ai posé la question à Termote, et il croit que c’est une question subjective! Cette différence est importante parce que les Québécois qui ont une vision strictement ethnique de la langue imaginent qu’il n’y a que 9 millions de francophones dans les Amériques alors que ce nombre avoisine les 30 millions. Il y a donc toute une série de décisions qui ne se prennent pas du fait d’une espèce de myopie statistique qui découle d’une myopie identitaire.

Mais de façon plus importante encore, je pense que notre politique linguistique, essentiellement défensive, doit s’accompagner d’une politique de projection du français. Celle-ci est déjà amorcée à travers l’Association internationale d’études québécoises, les actions du Centre de la francophonie des Amériques, et les actions culturelles des bureaux du Québec à l’étranger et dans les autres provinces canadiennes. Mais il faudrait aller beaucoup plus loin. Je ne m’avancerai pas davantage car j’ai un projet d’essai sur la question, que je ne veux pas brûler, mais il me semble qu’il faudrait que l’ensemble des décideurs québécois intègre mieux cette question.