Extrait du livre Le français, quelle histoire! (Chapitre 12)

Photo : Imageshack.us

Déterminés à faire table rase en tout, les révolutionnaires décidèrent de se débarrasser du calendrier grégorien pour créer un calendrier décimal. Pour rebaptiser les jours et les mois, le gouvernement révolutionnaire embaucha le poète Fabre d’Églantine – Monsieur « Il pleut, il pleut, bergère ». Inspiré par le climat et les cycles naturels, d’Églantine utilisa pour chaque saison divers suffixes, rattachés à des mots latins correspondant à la température typique de chaque mois. Ainsi, les mois d’automne devinrent vendémiaire, brumaire et frimaire ; les mois d’hiver : nivôse, pluviôse et ventôse ; les mois de printemps : germinal, floréal et prairial ; et les mois d’été étaient messidor, thermidor et fructidor. 

Sans doute inspiré par ses fameux blancs moutons, d’Églantine voulut donner aux jours des noms inspirés de légumes, d’animaux et d’outils aratoires, mais l’Assemblée nationale s’aperçut probablement qu’on y allait déjà fort et se borna à renommer les jours en s’inspirant des nombres latins (primidi, duodi, tridi, et ainsi de suite).

Mais ce nouveau calendrier poétique fut un ratage complet. D’abord parce que le calendrier précédent avait le mérite de fonctionner de façon universelle (contrairement aux poids et mesures). De plus, la cohérence d’ensemble, propre au système métrique, n’était pas possible avec un calendrier décimal. Certes, on peut se donner des semaines de dix jours au lieu de sept, mais la réalité astronomique veut qu’une année se compose de 365 jours et que l’année se divise en quatre saisons – ce qui se prête mieux à une division en douze mois qu’en dix. Malgré ses prétentions à l’universalité, le calendrier révolutionnaire était fondé sur les saisons de la région parisienne, et s’appliquait mal aux régions montagneuses. En outre, les révolutionnaires compliquèrent fortement le passage d’un système à l’autre en établissant le jour 1 de l’an I le 22 septembre 1792, fin officielle de la monarchie. Il aurait été plus simple de faire coïncider le jour 1 avec le 1er janvier. Les promoteurs du calendrier aggravèrent également leur cas en ne permettant qu’un jour de repos sur dix, au lieu d’un sur sept, comme dans l’ancien système.

Napoléon abolit ce calendrier impopulaire et difficilement applicable le 11 nivôse de l’an XIV – ou 1er janvier 1806. Mais les lois françaises établies pendant qu’il était en usage sont encore désignées par leur date républicaine. Il s’agit de la seule trace laissée par ce calendrier bâtard…avec le homard thermidor.