La Croix

Par Jean-Claude Raspiengeas

Jean-Benoît Nadeau et Judith Barlow, « l’oeil neuf ». Jean-Benoît Nadeau, 42 ans, Québécois francophone, et sa femme, Julie Barlow, Canadienne anglophone de l’Ontario, ont sillonné l’Hexagone, entre 1999 et fin 2001. De leur périple, ils ont tiré un livre instructif qui éclaire bien des malentendus transatlantiques…

«L’oeil neuf » ou « le syndrome des Lettres persanes ». Deux étrangers – des Canadiens en l’occurrence, lui francophone, elle anglophone – se promènent dans notre pays, observent, consignent nos faits et coutumes, en tirent de salutaires conclusions, destinées à nous éclairer.

À cet exercice, Jean-Benoît Nadeau, 42 ans, n’est pas un néophyte. Il nous avait déjà régalés, en 2002, d’un savoureux essai, joyeusement intitulé : Même les Français ont un accent. Journaliste vedette du magazine « L’Actualité » à Montréal, il est revenu, accompagné de sa femme, Julie Barlow, 37 ans, consoeur rencontrée sur les bancs de la prestigieuse université Mc Gill. C’est chez nous qu’ils avaient effectué leur voyage de noces, en 1992. « Souvenir catastrophique, soupirent-ils. Ça cliquait pas ! Nous ne savions pas aborder les Français… Impossible de comprendre la France à travers le prisme déformant d’une mentalité “nord-américaine”. Cette fois, comme des ethnologues atterrissant au beau milieu d’une tribu amazonienne, nous avons commencé par nous mêler aux “indigènes”. »

Pendant trois ans, de 1999 à fin 2001, ils ont séjourné à Paris, sillonné la France, s’interdisant de s’accorder des vacances hors de l’Hexagone. Avec, comme feuille de route, une question : « Pourquoi personne ne comprend les Français ? »

De ce voyage à travers le kaléidoscope de nos mentalités et de nos moeurs, ils ont retenu quelques traits dominants : culte de l’État et des grands hommes, penchant pour l’absolutisme, mythe de la révolution, culture de la contestation, goût immodéré pour les manifestations, aversion pour le compromis, idéalisation des racines paysannes, art de l’éloquence. « La France, disent-ils, ressemble parfois à une démocratie d’aristocrates. La notion de grandeur a perpétué une culture politique de privilèges et de bastions. »

Dans leur ouvrage (Pas si fous, ces Français) (1), documenté, sérieux, où les anecdotes sont étayées par des chiffres, des statistiques, des perspectives historiques, Julie Barlow et Jean-Benoît Nadeau ne cachent pas parfois leur admiration : « Aux yeux des Américains, les Français passent souvent pour un peuple d’ergoteurs et de poseurs. De fait, ils ont depuis longtemps la volonté d’investir le champ symbolique et ils y réussissent assez bien. »