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Extrait du livre Le français, quelle histoire! (Chapitre 13)

Comme la question de l’accent belge, celle de l’accent suisse est compliquée. Bien des Français jurent qu’il existe un accent suisse typique. En fait, ce qu’un Parisien ou un Montréalais prennent pour « l’accent suisse » est, parfois, celui d’un Suisse allemand parlant le français comme deuxième langue. Quant aux Suisses romands, ils ont en gros l’accent qu’on entend en France dans les départements découpant la zone historique du franco-provençal. 

Les Suisses ont la réputation de parler lentement, mais la véritable différence se trouve dans l’accentuation de leurs mots et de leurs phrases. Alors que le français normatif insiste sur la dernière syllabe des mots et des phrases, le français suisse accentue l’avant-dernière. Cela produit une musicalité instantanément reconnaissable, bien qu’elle soit plus typiquement franco-provençale que proprement suisse.

Comme les Belges et les Québécois, les Suisses francophones prononcent certaines voyelles d’une façon qui distingue les homonymes. Des mots comme peau et pot sonnent de la même façon à Paris, mais en Suisse, ils sont différenciés sous la forme de et po.

Les traits plus authentiquement suisses que français se trouvent surtout dans le vocabulaire, fortement influencé par les institutions. En Suisse, on dit une votation plutôt qu’un vote. Les sauveteurs sont appelés des samaritains plutôt que des secouristes. Les lycées s’appellent des gymnases, comme dans l’allemand gymnasium. Et le diplôme donné à la fin du cours secondaire n’est pas un baccalauréat, mais une maturité.

Les Suisses romands ont conservé un certain nombre de vieilles expressions françaises, telles que dent-de-lion, depuis longtemps remplacée en France par pissenlit – deux tournures fossilisées en anglais sous la forme de dandelion et piss-a-bed. L’un des régionalismes les plus attachants (sauf pour les Parisiens) est le mot qui désigne le Français parisien : françouillon, un terme péjoratif qui évoque des expressions belges telles que franskillon et francillon. En Suisse, on compte aussi de la même façon que les Belges. Les Suisses romands ont même tout à fait rationalisé leurs nombres et disent couramment huitante au lieu de quatre-vingts.